Prodige – Nancy Huston

undefined Résumé
« Vis, ma petite!  Sois forte, vis! » – c’est par ces mots que Lara insuffle l’énergie de l’espoir à sa fille née trop tôt, séparée d’elle et du monde par les parois d’une couveuse. 

Prodige est l’histoire de cette petite fille, Maya, pianiste prodige.  Mais c’est aussi celle de ses parents, qui se cherchent, s’aiment, se séparent; celle d’uen grand-mère russe et d’un voisin attentif; celle de la musique de Bach, exigente et joyeuse. 

Un conte polyphonique qui explore les frontières entre rêve et folie, amour et douleur, art et réalité. »

Commentaire
J’avais un gros a-priori face à Nancy Huston.  Pour une raison un peu simplette, en fait… il y a plusieurs années, c’était l’auteure favorite de l’une de mes amies, qui détestait systématiquement tout ce que moi j’aimais, en mentionnant que « c’était pour la masse et le petit peuple ».  J’avais donc conclu que cette Nancy Huston devait être horriblement inaccessible et jusqu’à hier soir, je l’avais soigneusement évitée. 

Parce qu’il faisait partie de mon challenge 2008, j’ai décidé d’en lire quelques pages avant de m’endormir hier soir.  Résultat final, je me suis finalement décidée à fermer la lumière à près de 3h du matin, après que la dernière page eut été tournée.   Je suis totalement entrée dans cette histoire, racontée par diverses voix qui racontent l’histoire à leur manière, telle un contrepoint de Bach.  Le terme « conte polyphonique » qui est mentionné à l’endos du livre convient très bien.  

Cette histoire, c’est Maya, la fille, grande prématurée et pianiste prodige.  Lara, sa mère, pianiste moins prodige et tourmentée.  Sofia, la grand-mère émigrée de Russie qui veille et qui, en quelque sorte, maintient l’équilibre à sa façon étrange.  Bien entendu, on y parle de musique, de piano, de Bach surtout.  Mais plusieurs oeuvres pianistiques sont aussi mentionnées et à chaque fois, j’étais toute contente de connaître ça (serais-je bébé, par hasard?!?!)  Je sais que suis toujours particulièrement sensible à tout ce qui touche la musique mais on entend presque les notes folles qui tourbillonnent, les arpèges et les contrepoints.   On les ressent.   

J’ai aussi pu m’identifier à Lara quand elle réalise, à un certain moment donné que la musique la dépasse et qu’elle ne peut plus la suivre.   C’est un peu ce qui m’est arrivé vers 13 ans, quand j’ai réalisé que j’étais « bonne » mais qu’il me manquait ce quelque chose en plus (et de pratique… mais à 13 ans, jamais je n’aurais admis ça!). J’avais beau aimer ça à la folie, avoir passé tous mes degrés de l’académie de musique, avoir mon 11e degré de l’université Laval… l’étincelle m’échappait et je rageais.  Je n’ai jamais envisagé de carrière, loin de là, même étant petite… mais je courais après ma musique sans jamais la rattraper.   Cette joie, cette euphorie à jouer que nous ressentons chez Maya dans ces pages, je l’avais perdue.  C’était devenu un travail assez pénible.  Lors du décès de ma grand-maman, la musicienne chez moi, j’ai refermé mon piano et j’ai passé près de 17 ans loin de lui.  Long deuil, vous direz! 😉  Fin de la tranche de vie!

D’accord, dans le roman, cette course est aussi métaphorique que réelle.  La mère qui voit son enfant, avec qui elle a une relation fusionnelle qui exclut tout le reste excepté la musique, lui échapper de différentes façons.   Cette relation exclusive a été bâtie à travers les murs d’une couveuse et aussi par les histoires que Lara a raconté à son bébé plus petit que son poing.  Sa voix l’a maintenue en vie.  Et, plus tard, j’ai ressenti avec elle sa tristesse de ne plus se sentir « indispensable », même si, selon moi, une maman reste bien souvent indispensable, malgré notre âge.

Un très beau moment de lecture.

9/10

34 Commentaires

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  1. Wah, sympa ton amie! 😛 Mdr! En tout cas, tu m’as donné le goût de réessayer avec cette auteure, parce qu’entre elle et moi, ce n’était pas le grand amour. J’ai lu 2 ou 3 romans d’elle (qui n’étaient mauvais mais sans plus) et ton commentaire m’inspire beaucoup. 🙂

  2. Je viens, quant à moi, de finir, hier soir, « Une Adoration » de Nancy Huston. Comme toi, j’évitais de lire cette auteure mais pour une raison inverse à la tienne: L’année dernière j’avais l’impression que tout le monde lisait Nancy Huston autour de moi et j’avais l’impression que ça allait ressembler à du Marc Lévy… Bref, pour me faire ma propre idée, j’ai essayé et je dois avouer que j’ai adoré. Donc, je vais continuer à lire Nancy Huston… pourquoi pas avec ce livre que tu as si bien commenté ! Merci pour cet élan d’enthousiasme qui ressemble un peu à celui que j’ai eu hier en fermant mon livre!

  3. Charlie Bobine: Adorable, n’est-ce pas!!! Quels étaient les romans que tu avais lus de Huston? Carine: Étrange nos perceptions, parfois! Je ne connais pas « Une adoration » (mais j’ai « La virevolte » dans ma PAL… ce sera mon prochain!) mais je vais de ce pas voir de quoi ça parle!!!

  4. j’ai un autre Nancy Huston dans ma PAL, je vais peut-être le lire plus vite que prévu 🙂

  5. Entre cet auteur et moi, c’est une histoire qui ne commence jamais… J’abandonne, momentanément du moins!

  6. Sympa ta copine et pas méprisante du tout 🙂

  7. je suis contente que tu aies abandonné cet a priori sur Nancy Huston !! J’aime énormément ces livres, du moins ceux que j’ai lus… et comme Cathulu, ta copine, dis donc, elle se prend pour qui ? Après tout chacun a le droit d’aimer les livres qu’il veut, non ?

  8. Moi j’ai énormément aimé ce livre. Un gros coup de cœur et je l’ai lu deux fois. Voir ma critique de ce livre ici avec d’autres: http://livresdemalice.blogspot.com/2007/03/nancy-huston.html

  9. Pour d’autres raisons que les tiennes, je n’ai pas encore lu Houston mais ton avis m’interpelle et je le note. Ce que tu expliques est très émouvant. Des tas de choses nous empêchent d’aller au bout de nos possibles mais il n’est jamais trop tard pour rien et si la musique te revient en plein coeur et en « plein doigts », c’est qu’elle était enfouie et ne t’avait jamais abandonnée.Ce n’est pas la poursuite d’une carrière…qui fait l’artiste.

  10. Je te jure que je ne ressemble en rien à ton « amie », mais je suis une admiratrice limite fan de N.Huston. Bon, je suis sûre que tu le savais déjà, mais tant pis, je ne me lasse pas de parler d’Elle 😉 Et maintenant que tu l’as découverte ne t’arrête pas en si bon chemin…

  11. je n’ai lu que « lignes de failles’ que je ne peux que te conseiller, si tu veux continuer dans la découverte de l’auteure !

  12. J’ai « Lignes de Faille » dans mon challenge. Si la plume de Nancy Huston me plaît, je continue avec ce roman que tu as décrit avec un enthousiasme communicatif !

  13. Stéphanie: Quel est ce Huston qui traîne dans ta PAL 😉 Fashion: Il y en a comme ça qui ne nous accrochent pas du tout. Tu as bien raison, inutile de s’accrocher! Cathulu: Sympa, en effet! Mais c’était dans sa période « je suis étudiante en littérature et au-dessus de tout ». Ca lui a passé depuis! Amanda: Moi aussi je suis bien contente d’avoir abandonné l’à-priori en question. Mais peut-être est-ce une bonne chose parce que qu’à cette époque, sait-on jamais, j’aurais peut-être moins apprécié. Alice: Je vais aller voir ta critique de ce pas! Je le relirai certainement aussi. Lune de Pluie: En effet, ce n’est sûrement pas pour rien que je suis touchée à ce point par tout ce qui concerne la musique. Mais j’ai repris le piano… j’ai même repris les cours (je veux toujours jouer des trucs pour lesquels j’ai besoin d’aide) et maintenant, ma passion première est revenue… même si je « rushe » encore plus qu’avant dans les passages difficiles! Anne: Je n’aurais jamais deviné que tu admirais l’auteure 😉 Je lirai certainement autre chose d’elle! Emeraude: Ligne de faille est dans ma liste et j’ai « La virevolte » chez moi… comme ça traite de la danse (un autre sujet autour duquel j’aime beaucoup lire) je devrais aimer! Aelys: Ce fut une – bonne – surprise pour moi que ce roman, en effet! J’ai hâte de voir ce que tu vas penser de « Ligne de faille »!

  14. C’était (il a fallu aller vérifier sur mon blog, parce que je m’en rappelais plus du tout!!): «Dolce agonia» et «L’empreinte de l’ange».

  15. J’avais beaucoup aimé ce livre, moi aussi. http://sylire.over-blog.com/article-6993839.html C’est très émouvant cet épisode de ta propre vie. Je comprends que ce livre t’ait particulièrement touchée.

  16. Je te conseille aussi « lignes de failles ». J’ai adoré !

  17. Comment résister à ce livre après ton article et les ingrédients qui le composent : l’amour fusionnel , celui de la musique et peut-être la présence particulière de Bach ! A noter Absolument !

  18. Charlie Bobine: Je vais aller fouiner sur ton blog pour en savoir plus sur ce que tu en avais pensé! Sylire: Je suis allée lire ton billet et nous avons ressorti certains éléments semblables. j’ai bien aimé moi aussi la frontière ténue entre rêve et réalité! Quant à ma « tranche de vie », des fois, elle va de soi! C’était trop collé à mon ressenti face à ce livre pour que je n’en parle pas. Arlette: En effet, tous les éléments sont là pour me plaire aussi. J’adore Bach (je ne le trouve pas du tout froid, comme plusieurs) et j’ai aimé ce qu’on dit de sa musique dans ce roman.

  19. J’aime beaucoup Nancy Huston et Prodige est magnifique pour celles qui, comme moi, comme toi, oscillent entre musique et littérature. L’empreinte de l’ange, même si différent, traite aussi indirectement de musique, tu seras peut-être tentée. (Nancy Huston étant excellente pianiste, comme tu le sais peut-être, ça ne peut que l’habiter de temps en temps!) Je trouve particulièrement fascinant ces musiciens qui peuvent se taire pendant des années comme tu l’as fait. Mais ça semble comme une dormance, je pense… 15, 30, 40 ans après, ça nous rattrape. (J’ai une élève adulte qui a repris après 40 ans de silence, le jour où elle a pris sa retraite.)

  20. Lucie: Je note « L’empreinte de l’ange ». Normalement, si ça parle indirectement de musique, je me laisse généralement tenter. JE crois que quand ça fait partie de notre vie, on ne peut s’empêcher d’en parler! Et tu as bien raison. Quand on se tait, ça nous rattrape, je crois. Je pouvais passer des heures et des heures à écouter des amis jouer du piano, assise sur le bout du banc mais je n’y touchais jamais. C’est l’un d’eux qui m’a « tannée » comme il faut pour que nous jouions à 4 mains lors d’une soirée qui m’a décidée à m’y remettre, quand j’ai vu que j’étais encore capable. Étrange la vie, parfois!

  21. Allons moi aussi je vais peut être me réconcilier avec Nancy Huston finalement… grâce à toi !!! 😉

  22. Yueyin: Quelle était la raison de ta chicane ? J’espère que ta prochaine rencontre avec cette auteure sera plus agréable!

  23. « Prodige » est peut être le seul Huston que je n’ai pas lu… J’aime démesurément cet auteur, et tout particulièrement « Lignes de faille » qui m’a bouleversée. Quant à « La virevolte », la danse n’est pas précisément son sujet principal… Il s’agit finalement plutôt de l’histoire – romancée – de Nancy Huston. Une histoire un peu rude.

  24. Fantômette: Et moi, c’est le seul que j’ai lu pour le moment! Quant à prodige, bon… je lirai quand même, même si ça ne parle pas de danse en tant que tel! J’ai bien aimé la plume!

  25. Karine, Tu as très bien fait de dépasser ton a-priori sur cet auteur formidable ! J’ai lu notamment « l’empreinte de l’ange »…un roman excitant/déprimant/émouvant. Je te le recommande.

  26. Roxane: Je note « L’empreinte de l’ange »… j’en ai entendu parler en bien à plusieurs reprises. Je suis bien contente d’avoir réussi à laisser de côté mon préjugé anti-Huston, je crois que je manquais quelque chose!

  27. Malheureusement, je n’ai pas du tout accroché sur le livre Prodige. Ses propos ne me touche pas… Je ne sais pas pourquoi.

  28. Amiedeplume: Ca nous arrive à tous de ne pas accrocher et de ne pas trop savoir pourquoi! Pour ce livre-ci, dans mon cas, ça a fonctionné!

  29. Superbe livre,tendre, émouvant, magnifiquement écrit, bref tout simplement, comme son titre, prodigieux!

  30. Sybilline: En tout cas, ce livre m’a définitivement réconciliée avec Nancy Huston!

  31. Je découvre aujourd’hui ton blog et j’apprécie beaucoup tes commentaires. Pour « Prodige », j’avais également quelques à prioris mais j’ai finalement adoré. C’est vraiment un très beau roman. Je n’ai pas encore lu d’autres romans d’elle mais je le ferai sans aucun doute.

  32. Isa: On peut dire que je suis bien contente d’avoir vaincu mes a-priori parce que ce roman m’a vraiment plu! Comme toi, je lirai sans doute autre chose de l’auteur!

  33. Si tu as aimé ces deux-là je ne peux que te conseiller que « ligne de faille » et « l’empreinte de l’ange ». J’ai regardé tes coups de coeur (j’ai à peu près les mêmes goûts que toi) et je pense qu’ils devraient te plaire. D’ailleurs j’avais renoncé à lire « ma vie avec Mozart » et en le voyant dans tes coups de coeur je crois que je vais le reprendre…

    1. Heureuse: « Ma vie avec Mozart », c’est une histoire particulière pour moi… j’adore la musique et je l’ai pris dans un moment où j’en avais besoin!!  Je note les deux livres de Huston que tu me cites… si on a les mêmes goûts, ça vaut le coup!

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